lundi 8 juin 2015

L'hortensia

L'hortensia d'Hortense voyage depuis Coblence, elle est fortunée en rêves et en fleurs ; Hortense la croit magique car un jour de pluie elle a pris une couleur de torrent, torrent sauvage qui glapit dans un lit de roches grosses comme des baleines dansantes.
L'hortensia couleur torrent un jour de pluie est silencieuse, c'est une qualité appréciée chez les fleurs, surtout quand elles sont bleus. Les torrents bleus sont rares. L'hortensia muette, voyage commode sans passeport, ni visa, ni pucerons. Elle déploie quelques fleurs à peines ouvertes pour faire plante vivante.
Elle passe les douanes et les frontières, sans soucis loin des ornières.
Hortense parcourt l'Europe depuis trois ans, depuis sa visite dans un château Viennois où trois chats paresseux et attentifs l'ont regardée, elle l’étrangère naïve et cela avec des airs de druides...
Hortense voyage comme une déracinée, la mer la porte vers des horizons qui couvent de belles fièvres.
L'Amérique l'appelle : Elle dit Yes !
La voici partante avec un baluchon et des valises à roues.
Tout un barda de courseuses de kilomètres gonfle ses bagages de choses qui parlent :
Son accordéon bien noir, ses cravates blasées de chameaux, ses chaussettes écossaises, sans oublier son hortensia fétiche qui un jour de pluie a eu le don de prendre le teint d'un torrent.
Son hortensia goûte et se nourrit d'airs internationaux et de lumières mondiales.
Hortense veut vivre une Amérique démente, une Amérique des découvertes et elle veut vivre ce qui se voit à Caracas. Les gens là-bas sont violents comme des saltimbanques sous l'orage médiatique. Ils ont des colères à porter et des vécus à vomir. Leur vitalité déchire le pays d'intentions et de résonances.
Heureusement Hortense aime la paix que son hortensia lui procure.
Hortense joue des airs de tribus bretonnes têtues et de saint malouins ivres des choses portuaires, jeteurs de sorts complexes et qui prient longuement la lune dans des matinées louches et des soirées incertaines où le ciel est pisseux dans des villages craquelées où le vent abonde comme une vieille habitante éternelle.
Hortense vit avec Marc,un homme quelconque mais qui joue de la flûte et des cuivres et des manigances.
Il a un air champêtre et des yeux très brillants qui prennent confortablement la lumière des scènes.
L'hortensia est infiniment solitaire, ses fleurs lui font une compagnie suffisante pour respirer tranquillement dans sa petitesse de terre.
Adolphe accompagne ce groupe dont il est un composant bénéfique. Il est une voix d'ange dans un mélodramatique musical qui touche aux dérangements et à la cacophonie arrangée.
Les chansons sont folkloriques et anciennes comme des centenaires mimant leur mort à force de peu vivre.
Il y en a une où pissent des vaches et murmure un curé strident... Il y en a avec des filles à marier à la pelletée dans des chansons à boire et à gueuler, il y en a une avec des marins sévères comme des boucs têtus et qui se noient souvent pour faire de belles veuves priant dans de chaudes églises luisantes de statues.
Bonnes mères vêtues de noirs depuis des lustres tant et si bien qu'elles ont des airs de prêtres d'être apprêtées de si prés à des soutanes.
Marc trompettiste des javas cubaines emmagasinées à la gare de la bastille sur des bambins délurés et des gars déclassés qui attendent la fin du jour pour pleurer leur vie de banlieusards égarés.
Hortense, rieuse déballe toute sa gouaille trouvée dans ses souvenirs des tournées profondes dans la vieille France qui gémit dans les brumes des provinces où pacotille la fête venue. Les cris font offices d'harmonies, ces cris sont ceux d'un temps qui ne veut pas mourir, d'un public espacé, dépassé et qui ressasse  et chante à contre-mesure pour gueuler sa peur du lendemain, de l'infini qui pointe dans la nostalgie des têtes.
Ici à Caracas la foule est debout et tangue comme une marée indécise avec un courant puissant.
Il y a de la révolution maladive qui circulent et tout les espoirs d'une démocratie éprise d'Hugo et de la vieille Europe aux idées généreuses.
Les accents, les mélodies et les danses se mêlent pour finir la nuit qui demande à vivre jusqu'à plus d'aubes une éternité de beautés !
Tant pis si demain dans peu de temps sera défleuri, dégrisé, effacé, maintenant chacun a dans son coeur bousculé une hortensia paisible qui signe une joie de vivre...

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