mardi 12 janvier 2016

Le ciel de ce matin (3)

Un type balèze, charpenté comme un fort du clan fait des aller retours du couloir du wagon. c'est un métronome à sa façon, il compense une angoisse du voyage. Il a un veston blanc, un pantalon noir et un chapeau melon rouge. Il a une peau bien blanche et des yeux ténébreux marécageux.
A ma droite tandis que je reste un moment à voir à travers la porte vitrée du compartiment le manège du maniaque marcheur, une femme en beauté dans une sagesse précise s'est assise avec un age flottant et une robe entière et bleue à mes côté, elle me demande l'heure d'arrivée. Je lui dis que nous en avons pour quatre heures de voyage selon les données loufoques que j'invente. Elle prend cela avec bonhomie avec un sérieux absent qui la rend irréelle bien que son visage souriant me rassure à un tel point que je me dis qu'elle existe. Elle sort de sa poche gauche des bonbons taillés en sucre, sortis de leur emballage jaune, ils sont noirs et caoutchouteux, elle m'en donne un et s'en met un dans sa bouche, le mien lisse et sans température me tient compagnie dans ma main droite qui reste ouverte, captant l'ambiance bonbonnière de cette friandise offerte. La passagère attentionnée mâche longuement avec un bel effet de mâchoire son bonbon pris. Son visage aux vagues sensuelles de cela vient dans mes yeux comme une danse indienne. Elle pose sa main sur la mienne et le bonbon entre nos deux paumes est mielleux alors de la circulation de nos présences. La blonde devant moi a des yeux qui ne me regardent pas, elle ne dit plus un mot et comme nous tous dans ce transport dort avec un semblant d'attention sur les façades du wagon qui roule tout le jour comme un jouet à la mécanique exquise de roulements. La nuit est déjà là comme une surprise faite. Elle fait son noir chemin dans nos apparences. Des néons presque jaune font leur possible pour blanchir nos existences fumeuses que donnent les secousses du transport.
Un homme élégant quoique presque mort franchit la porte de notre compartiment. Il dit en tenant un bol petit et vert : "A l'heure de la lune un repas sera offert par la compagnie ferroviaire à l'honneur du passé qui nous porte".
Je le salut tandis qu'il titube pour sortir. Le frottement des roues, et toute cette vibration de carlingue ouvrent des horizons par la fatigue que ça donne dans le corps qui connait ainsi un sort autre que la paix des pas dans une marche.

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