lundi 15 février 2016

Tendre



Il fuit la ville depuis longtemps et là sur le chemin ou respire la campagne, le monde est en sueur. La campagne fleurie ne trompe pas le monde. La guerre encore présente, toujours latente, lance son cortège de fuyards. La sécurité n'est qu'un mot envolé sous des bruits de bombes et les clameurs des blessés. Il s'appelle Philippe, journaliste indépendant perdu dans un monde confus. Il marche comme un zonard sans but dans un coin sans avenir. Le pays défait, laissé aux mains des plus durs se ruine de méfaits. Tendre vers un nouveau monde voilà sa tâche, il y a huit ans lorsqu'il est rentré dans la République du Dire à faire témoin de son verbe sur les maux et les espoirs d'une cité en paix. Il a fait le tour des tournées politiques et des faits divers, rencontré par moments des reporters de guerre hantés par des rêves et des fièvres sans communes mesures avec les siens, jusqu'au soir d'il y a deux noëls ou une journaliste intrépide revenue du Caucase lui a donné le goût de l'aventure et des rencontres. Les événements prenaient une autre mesure, il a vu que cette femme contribue à dire le malheur du monde et à faire savoir les richesses des pays nantis si garnis de certitudes et dotés d'un repli sur soi malencontreux pour l'évolution de la planète. Une expérience à vivre pour lui a été de l'accompagner dans un pays d’Asie, ou son statut d'homme était une forme de laisser passer. il est certain que cette rencontre d'abord professionnelle puis intime l'a transformer. Il transmet maintenant tout ce que son sens de l'observation et ce que les risques mesurés permettent de dire des vies et des espoirs des gens pris dans le feu des actualités et le drame des répétitions d'intérêts contradictoires ou la vie humaine n'est pas une valeur. Il prend quelque photos mais surtout entend les paroles, les accents, les intonations et puis les regards de fatigues qu'il croise vont en lui comme des demandeurs de voix, il se sent porteur d'une parole à découvrir à aménager, à ouvrir, à traduire pour qu'un occident pris dans des jeux et des ennuis de conforts fasse conscience qu'il est dans le monde en relation avec tout ce qui se passe d'un bout de la planète à l'autre. Il ne veut publier que peu de photos car cela le gêne, l'exotisme d'une catastrophe, d'un abattement si facilement identifier à un pays, à un habillement, à une autre "civilisation", l'image est si bavarde d'esthétisme.
C'est la nuit dans le noir de la route, il a sorti son bonnet offert par cette journaliste qui comme lui va dans le monde ou sifflent les balles, meurt du monde et ou des chefs d'Etat veulent préserver des influences, à coup de morts, de peurs, de terreurs. il sait que l'information est traitée, triée, façonnée et que demain ce qu'il dira ne sera que peu de force face à la farce jouée par les potentats économiques. Mais sa voix est tendre, il croit à ce que son cœur lui pousse à faire. Et la nuit froide est vivifiante, les bombardiers absents et l'air tendu par l'espoir qui se passe dans sa tête lui font une sorte d'ivresse irrationnelle et apaisante. Un peu comme si la planète calmée un instant rêvait avec lui. Un jour il y aura reconstruction. La guerre finira, renaîtra la force de vivre debout, dans le jour et les chants d'oiseaux.
Car le monde qui fuit avec presque rien est plein de rêves dures à vivre mais beaux de forces. Et les mauvais souvenirs qui cognent les corps ravivent des rêves à construire et des espérances mystérieuses et tenaces comme des bonheurs mordant goûté dans une jeunesse folle.
Philippe dans les ombres et la route longue sait lire dans les cœurs au-delà des trajectoires et des décompositions, tenace et blessée la liberté sait crier sa raison et son espoir. Et dans tout cet abandon, la vie circule encore comme un ruisselet perdu dans un trou vaseux.

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