lundi 9 mai 2016

Le pouvoir

Voilà y'a plus qu'à ouvrir le feu, la soldatesque est prête, les feux allumés et la panique et l'excitation se mélangent bien avant que le bruit des moteurs et toute la ferraille chenillée viennent mettre le son en vrac et les cœurs en folie. L'ennemi n'a plus qu'à faire un pas pour que notre village soit vu par lui, un beau village soit en dit en passant même si bien sûr en quelques heures tout brûlera avec entrain sous les obus et les bombes mêlées des deux camps. Je peux tenir le village avec une juste une compagnie de braves gars, le temps qu'il faut pour ralentir l'ennemi sauvage comme tout. Ce printemps de fin de guerre est froid et sent la poudre et le givre. Au moins pas d'avions à craindre pour ce matin. Y'a qu'à viser l'axe de progression des chars ennemis, ouvrir le feu, les voir s'embrasser, tirer encore un peu pour que leur infanterie morde la terre lourdement et puis se tirer parce qu'ils sont trop nombreux, les soldats de l'est qui viennent de leur pays ravagés par notre idéologie. J'irai à Berlin à reculons avec de la bière et du cigare, il faut ça pour que le moral tienne dans tout les grincements de la fatigue. La pluie d'obus est venue vite avec des flammes étouffantes et des bruits assourdissants, dés que trois de leur chars ont explosé sous les coups directs de nos fantassins équipés de panzerfaust. ça mittraille sec, une grêle de fer et de feux, de lumières bizarroïdes, après les maisons ne sont plus que des murs noircis, les arbres des branches figées et calcinées et nos hommes qui ne sont pas couchés sont partis en lambeaux sans rien pour les distinguer dans la fournaise intense qui fait fondre la neige. En arrière de nos lignes y'a encore du mordant qui crache à la mitrailleuse lourde et fait danser la première vague ennemie qui apparaît tout près de nos trous. J'ai décidé de tenir coûte que coûte car se replier maintenant serai être livré au massacre sous la horde fantasque qui envahit le village. Heureusement, ils ont peur et savent pas le peu de nombre que nous sommes. Nous tenons juste pour vivre et nous partirons dans le soir quand la nuit nous protégera et que nos pas feront une mesure de confiance dans nos peurs de mourir qui sont si vives que fuir est une idée fixe. J'ai le pouvoir de ne pas mourir tout de suite, sauf peut-être de peur mais ça ce n'est ni nouveau ni prêt de s'arrêter, c'est juste une habitue tenue par mon corps qui vibre de peur mais n'en meurt pas complètement, machinalement ma main sait ouvrir le feu et le fait, alors je ne suis pas tout à fait mort et la chaleur des armes est la seule vie qui tient mon cœur. J'oublie la famille quelque part à l'est dans une zone déjà occupée et pillée et je vois que tiens debout dans un coin de rue ou s’amoncellent de part et d'autres des cadavres en manteaux militaires et vareuses tâchées de sang chaud. ça mitraille encore et encore comme des chants d'oiseaux fous. Je me croyais fatigué et voici que debout j'abat du monde en cadence et bien que sentant le souffle des explosions qui me vise, j'ai la chance que les tireurs qui me visent sont trop loin pour bien me voir, et je fuis au moment ou ma soif m’étouffe et ou la poussière des toits effondrés avec leur lot de neiges poudrées me poussent instinctivement à fuir et je le fais au moment juste ou une immense explosion à trois mètres du trou ou je me tenais vient faire jaillir des étincelles immenses, résultat d'un coup direct hasardeux d'un mortier lourd et je recule avec cette chaleur dans mon dos quand je pivote pour me diriger hagard et encore solide dans la brume du combat qui couvre tout sur des kilomètres. Mon pouvoir est dans ma chance. J'ai perdu tout contact avec mes hommes dont certains ont du se replier. J'entend des débris tomber autour de moi, sans chercher à comprendre le pourquoi du comment je me tire vers l'arrière guidé par une soif terrible et un volonté de vivre jusqu'au soir pour dormir un peu et trouver un calme perdu depuis longtemps.

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