dimanche 26 avril 2015

Un dimanche

Le chagrin est tenace, le bonheur est fuyant...
« Mais que fait donc ta mère ?» hurle mon père dans son habit du dimanche qui sent la naphtaline et le renfermé propre ce samedi d'octobre maussade dans le garage de la rue du Carnage à Deauville.
Je ne dis rien, émiettant mon pain au chocolat, si doré, le chocolat lui est mat sans échecs.
Ma sœur est sage, à mes côtés comme une serpillière délaissée, elle marmonne des mantras venus de ses pensées loufoques.
Mon père splendide comme un bouledogue rougeaud attend dans l'ombre du lieu, ses yeux sont gros comme ceux des poissons morts, ses yeux là lui viennent quand il est con.
Il ne pleut pas c'est déjà ça dans l'ennuyeux dimanche qui dessine sa trame.
Nous les enfants, nous sommes assis dans l'arrière d'une traction avant, noire et rutilante comme un corbillard prêt à servir.
Nous sentons le vieux cuir, les déboires et la pétrolité des carburants.
Ma mère doit papoter avec une de ses nombreuses amies, sûrement celle revenue des Amériques, avec trois aspirateurs plaqués or et des choses et des manies.
Mon père est jaloux de cette amie, non qu'elle soit envahissante mais elle a le tort d'être mariée avec un mariole amerloque pilote de bombardier.
Mon père ne pilote que son obstination à se mettre en colère et mal en plus : il bafouille, rougit, crie puis c'est tout.
Il travaille dans une usine à faire des moteurs de tondeuses à gazon, ça ne gaze pas pour lui.
Ma sœur a le calme olympien qu'on prête aux filles quand on les connaît pas.
Le samedi appartient à ma mère qui fait mille choses inutiles pour se distraire. Mon père impatient est en attente d'elle, elle va finir par arriver avec un retard coutumier et une tranquillité ravissante. Pourtant le dimanche mon père se calme mieux que les autres jours.
Ce jour là, il va voir un prêtre monomaniaque qui prie énormément. Il prie un peu moins le dimanche puisque ce jour là il parle à mon père. Ce prêtre est singulier : il prie le diable par charité chrétienne ; car si dieu est tout puissant et si Jésus a dit de venir en aide au faible, c'est un devoir d'aider le diable qui en a croire la bible a bien peu de chance face au divin.
Mon père qui est tout aussi logique que ce prêtre s’accommode de ce raisonnement bien religieux dans le sens pathologique des San Franciscains.
Ma mère vient afin dans sa robe bleue volante venue d’Hawaï. Elle sent la vanille et les bons sentiments bien disposés.
Mon père comme hypnotisé par cette apparition prend sa place de conducteur.
Notre promenade maritime démarre. Nous allons rejoindre des cousins qui jouent aux courses et au dame. Ils parlent peu et sont taciturnes quand la lune décline, ce qui est le cas ces nuits-ci.
Ma sœur aboie parfois ça la rend humaine et fait contrepoids aux silences familiaux.



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