Le chagrin est tenace, le bonheur est
fuyant...
« Mais que fait donc ta
mère ?» hurle mon père dans son habit du dimanche qui
sent la naphtaline et le renfermé propre ce samedi d'octobre
maussade dans le garage de la rue du Carnage à Deauville.
Je ne dis rien, émiettant mon pain au
chocolat, si doré, le chocolat lui est mat sans échecs.
Ma sœur est sage, à mes côtés comme
une serpillière délaissée, elle marmonne des mantras venus de ses
pensées loufoques.
Mon père splendide comme un bouledogue
rougeaud attend dans l'ombre du lieu, ses yeux sont gros comme ceux
des poissons morts, ses yeux là lui viennent quand il est con.
Il ne pleut pas c'est déjà ça dans
l'ennuyeux dimanche qui dessine sa trame.
Nous les enfants, nous sommes assis
dans l'arrière d'une traction avant, noire et rutilante comme un
corbillard prêt à servir.
Nous sentons le vieux cuir, les
déboires et la pétrolité des carburants.
Ma mère doit papoter avec une de ses
nombreuses amies, sûrement celle revenue des Amériques, avec trois
aspirateurs plaqués or et des choses et des manies.
Mon père est jaloux de cette amie, non
qu'elle soit envahissante mais elle a le tort d'être mariée avec un
mariole amerloque pilote de bombardier.
Mon père ne pilote que son obstination
à se mettre en colère et mal en plus : il bafouille, rougit,
crie puis c'est tout.
Il travaille dans une usine à faire
des moteurs de tondeuses à gazon, ça ne gaze pas pour lui.
Ma sœur a le calme olympien qu'on
prête aux filles quand on les connaît pas.
Le samedi appartient à ma mère qui
fait mille choses inutiles pour se distraire. Mon père impatient est
en attente d'elle, elle va finir par arriver avec un retard coutumier
et une tranquillité ravissante. Pourtant le dimanche mon père se
calme mieux que les autres jours.
Ce jour là, il va voir un prêtre
monomaniaque qui prie énormément. Il prie un peu moins le dimanche
puisque ce jour là il parle à mon père. Ce prêtre est singulier :
il prie le diable par charité chrétienne ; car si dieu est
tout puissant et si Jésus a dit de venir en aide au faible, c'est un
devoir d'aider le diable qui en a croire la bible a bien peu de
chance face au divin.
Mon père qui est tout aussi logique
que ce prêtre s’accommode de ce raisonnement bien religieux dans
le sens pathologique des San Franciscains.
Ma mère vient afin dans sa robe bleue
volante venue d’Hawaï. Elle sent la vanille et les bons sentiments
bien disposés.
Mon père comme hypnotisé par cette
apparition prend sa place de conducteur.
Notre promenade maritime démarre. Nous
allons rejoindre des cousins qui jouent aux courses et au dame. Ils
parlent peu et sont taciturnes quand la lune décline, ce qui est le
cas ces nuits-ci.
Ma sœur aboie parfois ça la rend
humaine et fait contrepoids aux silences familiaux.
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